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BOISSONS


À Gustave Stevens.


 
Sous la lampe, onduleux, parfumés, les flocons
Des havanes divins, fluides mousselines,
Flottent sur les flancs clairs des cruches cristallines,
Des carafes de grès et des sveltes flacons.

Sur sa tige fleurit maint verre de Venise,
Lys d’opale, cactus écarlate, iris bleu ;
Maint alcool balsamique, où rit l’âme du feu,
Y mêle l’odeur fine à la saveur exquise.

C’est la fièvre et la mort que je bois, je le sais,
Pour mieux brûler mes nerfs d’une douleur nouvelle,
Pour extraire plus chaud le suc de ma cervelle,
Afin d’en faire un vin tel qu’on n’en but jamais,

Pour m’arracher du cœur quelques sanglots suprêmes
Et rythmer quelques vers dédiés au néant…
Qu’importe, puisqu’au fond du flacon souriant
L’Art, la Gloire et l’Amour chantent d’ardents poèmes ?