Page:Gill - Le Cap Éternité, 1919.djvu/44

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Un effrayant sarcasme ose figer le rire.
Mon cœur m’a précédé dans l’éternelle nuit.
Partout sur cette terre où le remords me suit,
J’emporte en moi l’horreur des infernaux abîmes.

On dirait que Satan a honte de mes crimes
Ou que sa main fatale a retardé mon glas,
Car s’il a bien scruté la douleur que j’endure,
Et s’il connaît mon sort affreux, il ne peut pas
Dans l’enfer éternel accroître ma torture.

  Sois grand par la douleur et chante ton pays !

  La lune, en ce moment, émergeait d’un nuage.
Je m’étais relevé, le front haut, et je dis :
— Adieu ! mon vieux canot m’attend là sur la plage ;
La veilleuse du ciel éclaire mon départ…
Adieu, Tacouérima !… Chanter ? Il est trop tard !
J’ai désappris d’aimer, et tu veux que je chante !
Laisse mon désespoir errer dans l’épouvante :
Vainement ton courage a flagellé le mien.
Je n’aime plus personne et n’admire plus rien.
Comment donc célébrer, maintenant, ô Patrie,
Tes fleuves, tes martyrs et ta chevalerie !
Un tison rouge brûle où mon cœur palpitait ;
La source de mes vers épiques est tarie,
Et, sous mes doigts crispés, la lyre d’or se tait.