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LE CAP ÉTERNITÉ




Fronton vertigineux dont un monde est le temple,
C’est à l’éternité que ce cap fait songer :
Laisse en face de lui l’heure se prolonger
Silencieusement, ô mon âme, et contemple !

Défiant le calcul, au sein du fleuve obscur
Il plonge ; le miroir est digne de l’image.
Et quand le vent s’endort au large, le nuage
Couronne son front libre au pays de l’azur.
Le plomb du nautonier à sa base s’égare,
Et d’en bas, bien souvent, notre regard se perd
En cherchant son sommet familier de l’éclair
C’est pourquoi le passant étonné le compare
À la mystérieuse et noire Éternité.
Témoin pétrifié des premiers jours du monde,
Il était sous le ciel avant l’humanité,
Car plus mystérieux que dans la nuit de l’onde
Où sa base s’enfonce, il plonge dans le temps ;
Et le savant pensif qui marque nos instants,
N’a pu compter son âge à l’aune des années.

Il a vu s’accomplir de sombres destinées.
Rien n’a modifié son redoutable aspect.
Il a vu tout changer, pendant qu’il échappait
À la terrestre loi des choses périssables,
Il a vu tout changer, tout naître et tout mourir,
Et tout renaître encore, et vivre, et se flétrir :
Les grands pins et le lierre à ses flancs formidables,
Et, dans le tourbillon des siècles emportés,