Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/157

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Stabat mater : la présence de la Mère auprès du Fils est grosse de conséquences. On prête à saint Bonaventure, à côté d’un premier office de la Passion, un office symétrique de la Compassion. Ni l’un ni l’autre ne sont de lui. N’importe : cette façon de doubler les souffrances du Christ par leur écho dans l’âme de sa Mère, multipliait à l’infini le pathétique de l’Évangile. La Passion de Jésus est une tragédie : joignez-y celle de la Vierge, elle devient déchirante. Au point de vue du théâtre, et des idées que l’art emprunta au théâtre, il y là une mine d’effets parfaitement indiqués par les Méditations. C’est ce qu’a bien senti Giotto, en dramaturge consommé, quand, dans ses fresques de l’Arena, il soude intimement l’histoire de Notre-Dame à celle de son fils. Des sujets, comme celui de la Lamentation, ne se concevraient pas sans la Mère de douleurs.

Mais ce ne sont pas seulement des images lugubres que nous devons aux Méditations. Les plus aimables de toutes sortent également de là.

Les Mages sont partis… La Reine du monde demeure encore près de la crèche… veillant avec inquiétude sur son fils adoré.

Dieu ! Avec quelle attention et quelle sollicitude elle le maniait, de peur de le blesser ou de le déformer ! Avec quelle révérence et quelle précaution elle touchait à cet enfant, son Seigneur et son Dieu ! C’est à genoux qu’elle le prend de son berceau et l’y recouche. Avec quelle confiance et quel ravissement, avec quelle protection, quel sérieux maternels elle l’embrasse, le baise, le presse sur son sein, et se réjouit en cet enfant, — son enfant ! Elle ne se lasse pas de considérer avec une sainte avidité son visage et tout le reste de son petit corps sacré. Avec quelle gravité et quel respect elle enveloppe de bandelettes ses membres délicats ! … Oh ! qu’elle a de joie à l’allaiter ! Certes, il n’était pas possible qu’en nourrissant un tel fils, elle ne ressentît pas des douceurs qu’ignorent les autres mères !… (ch. x).