Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/167

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soins assidus une humanité à la fois réelle et supérieure, un monde tout ensemble idéal et fraternel. Il y a là souvent François et Dominique, les évêques Nicolas et Augustin, le pénitent Jérôme, le prophète Jean-Baptiste. Ce que la Grèce antique avait atteint dans son Olympe, un abrégé plastique de l’univers humain, une gamme de figures patiemment élaborées, représentant chacune un des grands aspects de la vie, puissance, grâce, adresse, intelligence, vénusté, — les Saints de la Légende dorée l’offraient à l’art chrétien. Michel-Ange pourra faire fi de la monotonie du collège apostolique : « Povera cosa ! », dira-t-il ; et Gœthe s’amusera un jour à former un concile de douze personnages offrant au peintre plus de ressources et de variété[1]. Ce que ces deux grands maîtres enviaient au paganisme, il y avait longtemps que le moyen âge l’avait trouvé dans le trésor de Jacques de Voragine. L’artiste y rencontre les modèles de toutes les formes du beau moral, l’Hercule saint Christophe et l’Hermès saint Michel, le courage, la méditation, la science, la poésie, l’extase, — des cuirasses militaires luisant auprès des robes monastiques, des chapes épiscopales à côté de la nudité de l’anachorète, des pourpres cardinalices et le torse de l’éphèbe martyr ; la grâce des vierges héroïques mêle aux figures viriles un élément d’amour. Quelle matière de plus beaux contrastes et de plus riches accords ? — Qu’ils nous émeuvent, sur les autels où les plaça la dévotion des donateurs, ces patrons des nobles existences ! Nul lien entre eux, que celui de l’harmonie intérieure ; toute parole profanerait le calme que respirent ces sociétés sacrées ; il n’y a plus de place que pour l’admiration, la prière, la musique. Venise et Bologne aux beaux luths se plurent à ces concerts.

  1. Conversations avec Eckermann.