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II


« Le bienheureux père Dominique, en toute circonstance, abondait en propos, en traits, en paroles édifiantes. C’est ce qui fait dire à son biographe, au chapitre de ses vertus : « Partout où se trouvait le bienheureux Dominique, soit qu’il cheminât avec des frères, soit qu’il lut à table chez quelqu’un avec le reste de la famille, ou qu’il fût l’hôte des grands, des princes ou des prélats, toujours il se répandait en discours bienfaisants ; les exemples se pressaient sur ses lèvres, invitant à l’amour du Christ et au mépris du monde, si bien qu’il prononçait à peine une syllabe qui n’eût du poids et de l’effet… »[1]

Ces lignes sont tirées du prologue d’Étienne de Bourbon, dominicain du xiiie siècle, placé en tête de son traité des Dons du Saint-Esprit, lequel, à vrai dire, à l’exemple de saint Dominique, est lui-même tellement farci d’anecdotes et d’histoires que le recueil imprimé en forme encore un gros volume, qui est d’ailleurs aussi précieux qu’amusant[2]. Son livre, comme les Abeilles de Cantimpré, n’est même exactement qu’un recueil d’anecdotes pour sermons.

J’ouvre au hasard, et je tombe sur l’histoire du curé de Cucugnan :

« Il y avait un pauvre diable d’écolier parisien qui était

  1. A. Lecoy de la Marche, Anecdotes historiques, légendes et apologues du recueil inédit d’Étienne de Bourbon, Paris, 1877, p. 13.
  2. Voir dans Salimbene, l’éloge du franciscain Ugo da Reggio : « Il était tout plein de proverbes, de fables et d’exemples, et rien n’était plus agréable que de les entendre de sa bouche, parce qu’il avait une manière de tout rapporter à la morale, et que d’ailleurs il parlait d’or, ayant la langue diserte et de la meilleure grâce, ce qui faisait que le public ne se lassait pas de lui. Mais les ministres et les prélats de l’ordre ne pouvaient le souffrir, à cause de son genre de paraboles et parce qu’ils sentaient la critique qui se cachait dans ses proverbes et ses historiettes.» Liber de praelato, édit. Monumenta Germaniae, p. 163.