Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/227

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naturels, sensibles et touchants. Telle est, dès l’origine, la méthode des Mendiants. Lorsque nous les voyons, tant Cordeliers que Jacobins, faire le métier d’impresarii, organiser par toute l’Europe, dans les cimetières ou dans les cloîtres, des représentations de drames et de Mystères[1], ils ne font qu’imiter l’exemple du Père séraphique, du mime et du jongleur divin qui avait arrangé, une nuit de Noël, dans la grotte de Greccio, la messe de la crèche, et entre les bras de qui on vit renaître en souriant l’enfant de Bethléem.

Oui, si l’on veut trouver la source de ce christianisme ingénu, de cette fraîcheur évangélique, c’est là-haut qu’il faut regarder, vers la colline d’Assise, vers la petite ville escarpée et de silhouette militaire où, pour la première fois, dans le silence d’une église délabrée, le crucifix de Saint-Damien parla au jeune Bernadone. C’est de là que ruisselle sur la chrétienté un torrent d’émotions nouvelles. Les Mystères du xve siècle ne sont que le développement suprême, parfois matériel à l’excès, des petits drames ébauchés par la poésie franciscaine. Les livres des Mendiants, leurs Méditations, les Postilles de Nicolas de Lire[2], cette littérature de visions dont je vous ai parlé, voilà les sources où puisent sans cesse [nous en avons les preuves][3] les auteurs de Mystères. Le désir de

  1. Petit de Julleville, Les Mystères, t. II, p. 22, 23, 29, 32, 38, etc. Cf. Roy Le Myst. de la Passion en France, p. 313. À Bourg, le vendredi saint 1479, la Passion est prêchée par le P. Chapon, et ensuite jouée sur le théâtre par plusieurs jeunes gens. — Archiv. de la Drôme, comptes rendus des syndics de Livron : « 1484. 4 florins, 38 gros pour la dépense du « joc » de la Passion et de la Résurrection ; 16 gros « per la despensa dou predicayre. » — Délibérat. des consuls de Romans : « 30 mai 1453, le prédicateur Jean Alamand, après son sermon du vendredi saint, fait jouer la Passion sous les ormes du cimetière des Frères Mineurs. » Ibid., p. 322.
  2. Provincial franciscain de la Province de Bourgogne, et le grand rénovateur de la science biblique au moyen âge. Cf. Roy, loc. cit., Introduct. et p. 206, 239 ; Renan, Hist Littér. de la France, t. XXVII, 432-434.
  3. L’auteur du Mystère de la Nativité, joué à Rouen, le marque expressément dans une note. Cf. Mâle, loc. cit., p. 13. Ce qu’il y a de curieux, c’est