Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/282

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Auprès de ce martyr romain, une figure nouvelle vient au xve siècle se placer de plain-pied. Avec saint Sébastien, il n’y a pas, dans l’art de la fin du moyen âge, de personnage plus populaire que saint Roch. C’est qu’il n’y a pas non plus de plus merveilleuse histoire. Sa vie très simple, très humble, a l’air d’une légende[1].

Il était né à Montpellier à la fin du xiiie siècle. Il avait de grands biens, les distribua aux pauvres, prit le bâton du pèlerin et se rendit à Rome. À Acquapendente, la peste l’arrêta. Devant la détresse universelle, Roch fut pris de pitié ; il soigna les malades, consola les mourants, ensevelit les morts. La peste disparue, il reprit son chemin ; mais le mal l’avait devancé. Le voyageur trouva la Ville Éternelle presque vide, sans pape, sans mouvement, sans voix, dans la désolation de son immense veuvage : seul sur ses ruines augustes régnait le spectre du fléau.

Le pèlerin y demeura trois ans, visitant les rares survivants, secourant les pauvres affligés, et ne repartit que quand l’épidémie recula. Il apprit qu’elle s’était transportée à Plaisance, il l’y suivit. Il semblait un chasseur qui traque un gibier favori et veut l’étouffer corps à corps. Cette fois, il fut terrassé. La flèche céleste le toucha à l’aine gauche. La gangrène se mit dans la plaie. Pour épargner aux habitants une cause de contagion, ou la peine de soigner un malade de plus, le pestiféré se traîna dans un bois pour mourir. Il guérit. Dans ces siècles où l’homme est si dur, c’est la nature qui est humaine : une biche nourrit Geneviève de Brabant, un petit chien porte à saint Roch le pain que nous demandons chaque jour à Notre Père. Alors le convalescent revint dans sa patrie.

  1. Acta Sanctorum, Aug., t. III, p. 380 et suiv. Saint Roch est mort à trente-cinq ans, en 1327. Le culte de saint Roch est spécialement franciscain. L’ordre s’honorait de le compter au rang de ses tertiaires. Mais ce n’est là qu’un trait inconnu aux anciens biographes, et sans un commencement de preuve. Cf. Wadding, Rome, 1733 t. VII, p. 70, et Acta S. S., p. 382.