Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/31

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Ces phrases, qui sont de M. Thode, sont de belles phrases, mais ce ne sont que des phrases. Assise n’était pas « calme » au XIVe siècle, moins encore un siècle plus tôt ; le naturalisme de Giotto n’a rien de commun avec la virginale émotion, la mystique tendresse que concevait saint François au spectacle de la création : et c’est jouer sur les mots que de ramener l’une à l’autre, ou de nommer du même nom, deux choses qui ne se rencontrent que par l’infirmité et la misère du langage.

Mais il y a plus. Toutes les biographies modernes, principalement les protestantes, insistent sur les contrariétés auxquelles se heurta saint François dans l’accomplissement de sa mission. Là réside le pathétique de la belle Vie de saint François par M. Sabatier : on assiste de page en page à la désillusion, aux déboires du saint fondateur, incompris de ses amis, trahi par ceux qui le protègent, voyant chaque jour son œuvre se défigurer sous ses yeux, et ne se consolant pas de survivre à son rêve. Il y a là, on le sent, un élément dramatique d’une force incomparable. Un poète, un artiste aux prises avec les combinaisons mesquines des politiques ; un inspiré qui se débat dans une lutte sans issue avec les nécessités de la vie, et voit son idéal se flétrir en se réalisant ; l’angoisse et les chagrins de l’apôtre témoin de son propre désastre, et l’abdication ou la démission finale du prophète désabusé, vaincu et pleurant sa chimère : quelle tragédie plus émouvante, ou quel spectacle plus touchant ?

Opposer saint François à son œuvre, le mettre en contradiction avec elle, soutenir que le mouvement franciscain n’a pas eu de pire ennemi que les papes bienveillants qui cherchèrent à l’organiser ; écrire que Grégoire IX, en canonisant saint François et en venant poser la première pierre de son temple, ne faisait que consacrer la