Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/35

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de son livre, qui en est de beaucoup le morceau supérieur. Nous tâcherons de l’observer dans le cadre de ces leçons.

Je n’oublie pas que les deux ordres ont entretenu souvent des relations pénibles. Leur but est trop semblable, leurs moyens sont trop les mêmes, leur terrain d’action les oblige à se rencontrer trop souvent, pour qu’il ne s’ensuive pas de vives rivalités. Cette émulation est loin d’être demeurée toujours bien fraternelle. On en sent les effets dans presque tous les domaines : en philosophie ou en théologie, entre Thomistes et Scotistes, aussi bien que dans la pratique, dans la construction de leurs couvents et de leurs églises, il y a d’une maison à l’autre une sorte de lutte et de surenchère continuelle. Que ne fait pas l’esprit de corps ?

Les Prêcheurs se piquaient d’être plus cultivés, mieux élevés aussi que leurs confrères les Mineurs. Ils se flattaient encore d’un rôle plus officiel, d’une meilleure tenue, d’une orthodoxie plus sévère. Comme Inquisiteurs, il est permis de regretter qu’ils aient quelquefois triomphé de l’erreur avec trop d’entrain, quand l’erreur était représentée par quelque cordelier. Les généraux ne se lassent pas de recommander aux frères une conduite plus charitable. Mais ces exhortations réitérées à la paix prouvent clairement que l’atmosphère était plutôt aigrie. Même le suave Angelico, dans ses Jugements derniers, culbute allègrement les Mineurs dans l’Enfer, tandis que les Prêcheurs, en face, sont reçus par les anges dans les préaux du Paradis. Mais qu’est-ce que cela prouve ? On perdrait son temps à éplucher ces zizanies. Le P. Mortier rapporte à ce propos un trait charmant. Deux galopins se rossaient sur une place d’Italie ; le plus petit avait naturellement le dessous. Le Père voulut s’interposer. Alors le vainqueur, rouge de rage,