Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/350

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une vieille école locale, un art indigène, autochtone, infiniment précieux, qui demeura réfractaire au charme du magicien étranger et repoussa tout compromis avec ses enchantements perfides. L’art italien du XVIe siècle n’a rien de plus sérieux et de plus convaincu que les œuvres grises et neutres, amies des nuances éteintes et des tons amortis, d’un Foppa, d’un Zenale ou de ce Bergognone, modulateur subtil d’harmonies presque whistlériennes[1]. Et Luini lui-même, celui qui a le plus fait pour populariser le sourire de Léonard, est en réalité un artiste candide, plein de charme honnête, ingénu, d’une piété placide, sans dessous, sans remords, un peu suisse, et dont la facile peinture, gracieusement rustique, est à mille lieues des recherches, des secrets et des complications du plus cachottier et du plus énigmatique des maîtres[2].

Cet art se distingue par une familiarité, par une bonhomie que réprouveraient la pruderie ou le goût florentins. Les Vierges milanaises ne craignent pas de donner le sein[3]. Une nourrice, comme celle de Fouquet à Anvers, paraîtrait en Toscane d’un débraillé intolérable : elle pourrait être lombarde. On chercherait en vain, à Florence ou à Rome, une fresque représentant le détail de la Passion, comme celles qui se trouvent dans les églises franciscaines de Varallo et de Lugano[4]. Les montagnes

  1. G. Frizzoni, Vincenzo Foppa pittore, L’Arte, 1909, p. 249-260 ; G. Jocelyn Foulkes and Mgr. Rod. Maiocchi, Vincenzo Foppa of Brescia, founder of the Lombard School, Londres, 1909. Beltrami, Ambrogio Fossano detto il Bergognone, Inventario dell’arte lomharda, s. I, 1909 ; G. Zappa, Note sul Bergognone, L’Arte, 1909, p. 51-62 et 108-118.
  2. G. Williamson, Bernardino Luini, Londres, 1898 ; Pierre-Gauthiez, Luini, 1906.
  3. Cf. Reinach, Répertoire, t. I, p. 90-94, 219, t. II, p. 125 (Fouquet), 131, 134, 136, etc. (Bergognone, Solario, Boltraffio). En dehors de Milan, Sienne seule en Italie a chéri le motif de la Madonna del latte.
  4. Cf. Ethel Halsey, Gaudenzio Ferrari. Londres, 1903 ; Princesse Ouroussof, Gaudenzio Ferrari à Varallo et Saronno, 1904 ; Williamson, Luini. Les