Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/414

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Le nom de Notre Père s’épelle en plus d’une langue ; tous les idiomes s’efforcent en vain de formuler le mot céleste. Mais qui nous dit qu’un des plus doux au gré de l’Éternel, n’est pas celui de l’artiste qui le fait depuis trois siècles adorer par une race passionnée et légère ? Murillo est le maître national d’un pays où la piété est encore une forme de l’amour, où la religion se parfume des manières du roman et de la galanterie. Les églises y sont parées presque comme des boudoirs ; les autels y ressemblent à des alcôves ; on y roule des caisses de fleurs et d’orangers, et aux jours de fêtes, on y lâche des petits oiseaux.

IV


Nous sommes arrivés au terme de cette revue. Je l’aurais voulue plus complète, et cependant moins longue. J’aurais souhaité de vous faire comprendre comment vit un art religieux, par quelle collaboration du penseur et du saint, du peuple et de l’artiste, de l’imagination, du rêve et de la foi. J’aurais voulu, chemin faisant, éclaircir ce problème délicat : dans quelle mesure l’art et l’image viennent au secours de la religion, et comment, créés ou conçus d’abord par la piété, ils créent à leur tour la piété, et aident le fidèle à se figurer le divin.

Ai-je réussi ? Ai-je su exprimer ce que j’avais à dire ? Ai-je bien montré ce que furent les Ordres dans l’Église, quel rôle fut le leur dans la chrétienté ? Pendant des siècles, à défaut d’unité politique, de nationalités centralisées et définies, nous les avons vus faire régner des sentiments communs. Ils forment alors la seule organisation générale, le seul pouvoir qui relie les foules dispersées. Les fonctions d’enseignement, de communica-