Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/47

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sance ? Quel rôle ont-elles joué dans l’évolution de l’art ? C’est ce que je me propose d’étudier avec vous.

Et voici que j’ai un scrupule. Quel titre avons-nous donc, à peine chrétiens que nous sommes, pour venir parler de ces choses ? De quel droit allons-nous, en esthètes et en dilettantes, mesurer la qualité religieuse des œuvres qui feront l’objet de ce cours ? Ce qui nous charme chez saint François comme chez saint Dominique, c’est ce qu’ils ont ajouté à la beauté du monde : sans les chefs-d’œuvre nés de leur pensée, nous seraient-ils si chers, et serions-nous ici pour nous en entretenir ? N’est-il pas légèrement impie et sacrilège de considérer en artistes, en voluptueux, ces héros de la pauvreté, qui jamais n’ont pensé à l’art ? Est-ce ainsi que nous profitons de leurs leçons de détachement ?

Et cependant, qui sait ? Cette beauté qu’ils n’ont pas voulue, c’est tout ce qui nous reste de commun avec eux. Grâce à elle, ces hommes admirables vivent toujours en nous, ils nous parlent encore. À travers l’art, nous pourrons remonter à eux, dépasser l’art. Et puis, dans une certaine mesure, la beauté n’est-elle pas aussi un don divin ? L’instinct qui fait le grand artiste ne rejoint-il pas quelque part l’élan qui fait le grand saint ? Ne sont-ils pas tous deux des formes de l’amour ?

Notre père François, notre père Dominique, vous eussiez abhorré ces églises charmantes où nous retrouvons votre souvenir ; vous eussiez gémi de ce luxe qui pare vos autels, de ces couleurs brillantes qui doucement illuminent les parois de vos temples. Pourtant, ces choses sont de vous. Ne les reniez pas. Pardonnez-les, si vous pouvez, à la faiblesse humaine. Elles semblent vous contredire : c’est là un de ces jeux féconds auxquels se plaît Celui qui a pétri de contradictions notre complexe nature. Souvent la vie a de ces surprises. Vous