Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La canonisation n’était plus qu’une formalité. Elle fut prononcée moins de deux ans après la mort. La proclamation eut lieu à Assise, le 16 juillet 1228. Le lendemain, 17 juillet, le pape posait la première pierre de la basilique qui devait conserver les restes de saint François.

Je vous parlerai dans un moment de la construction elle-même, et nous passerons en revue quelques-unes des principales églises des Mendiants, en Italie et dans le reste de l’Europe. Mais avant de nous demander ce que les nouveaux ordres, tant Mineurs que Prêcheurs, ajoutèrent au domaine de l’architecture, comment ils la comprirent, comment ils la traitèrent, il faut vous dire quelques mots d’une question essentielle, la première que les

    parallèle, d’une « conformité » du saint avec Jésus, thèse qui forme le fond du célèbre traité de Barthélémy de Pise (voir déjà le premier chapitre des Fioretti), sort de là tout entière. J’aurai, dans la prochaine leçon, à montrer comment cette idée inspire toutes les représentations de la vie du patriarche. Ce leit-motiv est ébauché dès 1250, dans la double série des fresques de Giunta Pisano, dans la nef inférieure d’Assise : cinq scènes de la légende du saint sont placées en regard d’autant de scènes de l’Évangile. L’Alverne, par exemple, fait pendant au Calvaire, L’idée reçut plus tard des développements nouveaux. On fit naître François, comme Jésus, dans une crèche. C’est ainsi que la scène se trouve représentée, vers 1450, par Benozzo Gozzoli, dans une fresque de l’église Saint-François, à Montefalco.

    Telle est, si l’on y regarde bien, la raison de l’influence artistique personnelle de François ; elle ne tient nullement à son génie de poète, à son amour de la nature, mais uniquement au fait de sa ressemblance avec le Christ. « On peut dire, a écrit Renan, que depuis Jésus, saint François a été le seul parfait chrétien… Il a été vraiment un second Christ, ou, pour mieux dire, un parfait miroir du Christ. » Voilà ce qui a tant frappé le moyen âge, et ce dont il a vu la preuve dans les stigmates. Nous attacherions moins d’importance à ce phénomène. Sabatier glisse légèrement sur le sujet. Hase n’y voit qu’une supercherie, une fraude d’Élie : hypothèse dont il croit trouver la confirmation dans les circonstances mystérieuses de la translation du saint (voir plus loin, p 42). Cette conjecture est toute gratuite. Les stigmates ont été observés sur une foule de sujets, surtout parmi les femmes (on en trouvera une longue liste dans la Mystique de Görres, au tome II de la traduction de Sainte-Foi). Mais le XIIIe siècle y reconnaissait le signe éminent de la sainteté : nous y verrions plutôt une lésion nerveuse, une tare pathologique, un peu compromettante. Si bien que ce qui a fait, jusqu’à la Renaissance, la situation unique et le privilège de François, le rendrait aujourd’hui, aux yeux d’une certaine école, suspect de dégénérescence, et comme passible d’une surveillance ou d’une sorte de quarantaine scientifique (Cf. Cotelle, Saint François, étude médicale, Paris, 1895) : conception