Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/82

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sont essentiels à leur physionomie. Ces églises sont bâties pour la prédication. Le nom même des Prêcheurs indique assez leur fonction, et les Cordeliers, avec quelques nuances, avaient le même programme. Par exemple, à Paris, en 1273, de soixante prédicateurs dont nous avons les noms, quarante-quatre appartiennent aux deux ordres mendiants, dont trente aux Jacobins. Au début, ces sermons se prononçaient en plein air, à toute heure, en toute occasion, dans les foires, aux marchés, aux tournois, aux carrefours, sur les places publiques[1]. Quand frère Berthold de Ratisbonne prêchait, toute la ville le suivait dans une prairie, où il se plaçait sur une petite éminence ; une corde séparait les auditeurs en deux groupes, celui des hommes et celui des femmes ; et un fanion fixé auprès de lui à un mât indiquait d’où venait le vent, afin qu’on se plaçât du côté où portait la voix. Il affectionnait, pour parler, de monter sur un arbre : on montrait près de Gratz, au XVIIe siècle, un tilleul appelé le tilleul de Berthold. On se rappelle le beau tableau de Lazare Bastiani, à Venise, où saint Antoine de Padoue est représenté méditant de la même manière, dans une cellule aérienne suspendue aux branches d’un laurier.

Cet âge-là ne pouvait durer. On n’a pas toujours de ces tribuns héroïques, pour lesquels il fallait, comme à Jean de Vicence, un échafaud de soixante pieds. Quand l’institution se fut régularisée et que les Mendiants eurent leurs églises, un des éléments essentiels du mobilier devint la chaire. On se servait ordinairement d’un petit escabeau, assez semblable à ce que sont nos chaires de professeurs. Un tableau de Pesellino, à l’Académie de Florence, montre saint Antoine de Padoue prêchant dans une chaire de ce genre. On pouvait parler encore du

  1. Lecoy de la Marche, la Chaire française au moyen âge, 2e édit., Paris, 1886.