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Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/197

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que cela fait. Jean n’est plus là. Il n’y a plus rien. Il n’y a plus personne dans le monde.

On l’a ramassé, on l’a charrié avec les autres morts, pêle-mêle.

Brême, il faut m’envoyer votre sœur pour me parler de Dieu. Peut-être, je l’entendrai. On ne peut pas me laisser ainsi. Il faut tenter quelque chose. Si c’était mon corps qui souffrait, on tenterait quelque chose. Il faut m’ôter Jean de l’âme. Il faut me délivrer de lui. Il faut apaiser cette brûlure qui me ronge les entrailles. Je ne veux plus souffrir comme cela. Les chiens, on ne les laisse pas souffrir comme cela.

Mais comment font-elles, quand elles perdent leur amant ?

Il m’a appelée… je l’ai entendu mourir, sans savoir… Il a appelé : Jeanne !

Il a pensé : Elle va souffrir… Il est mort dans cette tristesse…

Je vous supplie, Brême, aidez-moi à passer cette nuit, à subir le retour du jour ! Il faut que je vive, minute par minute, une heure après une heure de cette sueur… et pas de mort au bout…

Jean est entré un jour dans ma vie, l’a prise toute entière, et voilà qu’il en est sorti, et que c’est fini.

Ma vie est morte.