Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/230

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au delà de la tombe. Je ne me dois plus à lui. C’est à vous que je me dois. Je ne veux plus me séparer de mon âme, qui est à vous. Je veux me donner à vous, frère chéri, pour que notre union soit absolue et parfaite…

François a écouté, le visage caché dans ses mains, tremblant de violence et de détresse. Quand il parle, les mots semblent chassés, comme des feuilles d’orage, par son souffle haletant. — Madeleine… je vous remercie… je vous remercie, Madeleine… vous dites des mots merveilleux… oh oui… des mots terribles et merveilleux…

Madeleine. — Des mots très simples. Qu’y répondez-vous ?

François. — Que vous vous trompez… ce sont de beaux mensonges… Vous vous trompez. L’amour, c’est autre chose. Je le sais, car moi, je vous aime. Vous ne me voyez pas comme les autres, comme je suis. Vous êtes aveuglée par votre rêve !

Madeleine. — Je vous vois bien mieux que les autres. Je vois votre chère âme, plus robuste et plus riche qu’eux tous avec leur sang rouge et leurs grands membres de fer !

François. — Ah ! vous l’avez dit vous-même ! Oui ! Vous ne regardez qu’un fantôme, une âme ! Pas moi, pas moi !