Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/238

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mes lèvres, la paix de votre vie, l’absolue sécurité que vous aviez en vous-même. Pour ne pas rompre cette paix, mon amour a commencé d’apprendre… Et vous avez senti cela d’instinct, que mon amour devenait une belle chose : vous vous êtes tournée vers lui comme une fleur cherche la chaleur. C’était une volupté que vous ne connaissiez pas : personne ne vous l’a enseignée, que moi… Doucement vous lui avez ouvert votre âme. J’ai vu votre âme vierge… j’ai eu de vous ce qu’aucun n’avait eu ! Pendant ces trois ans où j’ai perdu la présence de votre visage, jusqu’au reflet de vos yeux lointains, j’ai gardé l’éblouissement de votre âme. Car elle, je l’ai connue, et elle m’a aimé. Maintenant encore, c’est elle qui est venue à moi, qui a eu pitié, qui a compris ma détresse, qui, chastement, m’a offert sa beauté. Elle seule ne m’a jamais trahi ! Elle est restée radieusement innocente du recul de votre corps… C’est pour être digne d’elle que mon amour peut monter encore, qu’il est ainsi ivre d’infini et de sacrifice ! C’est pour elle que mon âme devient si forte, bien plus forte que mes sens…

Madeleine. — Oh ! François !

François. — Oui. Elle a fait ce miracle. Mes bras sont devenus trop petits pour vous étreindre, ma bien-aimée : l’âme seule a assez de grandeur !