Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/25

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tête : Nine est rentrée. Elle lui sourit, petite d’abord dans le lointain de la salle, grandissant de seconde en seconde, preste, la tasse à la main. Et tandis qu’elle vient, une chaleur monte en lui, grandit, grandit, l’éblouit ; c’est comme un soleil qui se lève, qui l’inonde ; il reste là, les yeux grands, hypnotisé. Nine, vive, secoue, replace sous lui l’oreiller, tapote et lisse les draps. La tasse odorante enveloppe d’une même fumée d’encens le visage rose de l’infirmière et l’ovale aigu de son malade. Il boit lentement, les narines dilatées. Il ne la remercie pas, il ne lui sourit pas. Il reste blotti dans le rayon de son regard. Quand elle détourne les yeux pour reposer la tasse vide, il a froid, il semble à l’ombre.

Nine a bordé ses cinq petits lits ; elle s’en va, bavarde, le bras à la taille d’une amie, criant des bonsoirs gais. Alors, il se retourne sur le côté, muet, et ferme les yeux. La nuit est tombée.


LE JOURNAL


Il est levé. Une canne lui a suffi pour gagner la terrasse qui surplombe le coquet jardin de ville, ratissé, semé de gravier et de fleurs serrées. Il fait chaud. Le ciel enferme le court horizon d’un dur couvercle bleu. Sur les plantes en pot dont on a