Page:Gilson - Celles qui sont restées, 1919.djvu/89

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longue et pâle draperie. Son pan lumineux atteint sur le rivage la silhouette noire échouée. Le noyé semble roulé dans une bannière spectrale dont les plis sont des rayons.

Victor regarde la nuque douillette de Céline qui boude, et ses bras blancs dodus. Son cœur s’amollit. Il transige.

— Tout ça, c’est la faute aux Hollandais. C’est dégoûtant, des plages où il arrive des choses pareilles.

Céline perçoit l’avance. Elle gonfle le cou, se fait prier, triomphe d’un dernier trait :

— Tout de même, sa bonne amie doit être fière à présent. On ne l’appelle pas veau, celui-là.

Victor allonge déjà des lèvres goulues et médiatrices :

— Ça lui est bien égal, tout ça. Il est mort.

Céline rit, renversée, et les lèvres de Victor s’abattent au petit bonheur, de surprise en surprise.

— Tu es quand même un drôle, toi !

Victor la met debout, d’une secousse, comme une grande poupée.

— Viens, amour, on va rentrer.

Ils vont, enlacés, au rythme de l’orchestre dont Céline, alanguie, fredonne le refrain. Le canon lointain s’apaise, intimidé par le bruit rapproché