Page:Gingras - Les Guérêts en fleurs, poèmes du terroir, 1925.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


LE LABOUREUR


« Gloire soit aux terriens de la terre fertile

« Et bénis soient leur âme et leur sang et leurs bras. »

Alphonse Desilets.


Au loin, sur les coteaux d’où son profil s’élance,
Un vaillant laboureur promène à travers champs
Son outil nourricier, la charrue, aux penchants,
Traînée avec efforts par deux bœufs, en silence.

Là, dans le sol aride aux ferments assoupis,
Il plonge, par-delà racines et pierrailles,
Le coutre, ce facteur des prochaines semailles,
D’où vainqueurs de la mort renaîtront les épis.

L’acier, contre les rocs et les souches, s’émousse.
« Hé ! le Caille ! Rouget ! hue… ! « Et les bœufs meuglants,
Faisant craquer le joug au bruit de leurs pas lents,
Éventrent sans répit le manteau de la brousse.

Parfois sous leurs sabots jaillissent des éclairs
Quand de son aiguillon l’homme bourru les frappe.
Ils s’arc-boutent, front bas, devant le chien qui jappe
À quelque écho moqueur venu des vallons clairs

Et, les bœufs haletants, le regard plein de rêve,
Entendant la voix brève et grave du fermier,
Font saillir sur leur dos, d’un élan coutumier,
Des muscles bosselant leur peau qui se soulève.