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Page:Gingras - Les Guérêts en fleurs, poèmes du terroir, 1925.djvu/9

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LES GUÉRÊTS EN FLEURS


Car c’est lui seul, bien seul, ce vieux coin solitaire,
Qui, doux maître absolu de mes rêves d’enfant,
Chaque jour davantage y cacha, triomphant,
Ce nid de mon amour qui n’a plus de mystère.

Et je sens qu’à jamais cet amour est vainqueur
De mon âme sensible où son emprise plonge,
Et qu’il me tient, et que, comme un chant se prolonge,
Sa voix vibre toujours au tréfonds de mon cœur.

Il n’est rien, sente ou val, dont le doux paysage
Ne me soit plus qu’ici très cher et coutumier :
Ce blanc moulin, là-bas, aux ailes de ramier,
Que l’aquilon harcèle et qu’il mord au visage ;

Ces ruches en éveil d’où la senteur du miel
Enivre les oiseaux blottis dans le feuillage ;
Tout converge à te faire aimer, ô mon village,
À pleurer ton absence, à regretter ton ciel !

Car, pour qu’on te vénère avec une âme altière,
Dieu fit plus grave en nous cette empreinte des ans
Qui marque de son sceau le front des paysans,
Les unissant ainsi toute leur vie entière.

Et dans ma foi plénière et mon rêve pieux,
Voilà ce que j’ai dit : le bonheur que nous livre
La paix consolatrice et la douceur de vivre
Sous ce toit où sont nés, où sont morts les aïeux…