LE MÉLODRAME 137
mard, à présent ce fantôme du xviii^ siècle. Son mari, Despréaux, était lié avec Saint-Romain, et sans fonc- tions officielles, il présidait à la partie chorégraphique. La Guimard avait eu ce dernier caprice de le suppléer, cette fois.
La Pie voleuse, représentée pendant les Cent Jours, ne souffrit pas des événements politiques. Le théâ- tre n'a-t-il pas presque toujours bravé les circons- tances qui sembleraient devoir lui nuire le plus ? Commencée sous le retour de l'Empereur, la pièce acheva sa carrière sous les Bourbons. Le directeur Saint-Romain avait fait fortune : homme prudent, il passa la main et laissa son successeur Lefeuve exploi- ter cette scène où un mélodrame Favait enrichi. Il se retira à Triel, ou il acheta un ancien presbytère, et par reconnaisance lui donna le nom de « Hameau de la Pie voleuse ».
Gaigniez avait eu parfois de plus hautes ambitions. Il avait fait jouer, notamment, au théâtre Louvois, en 1807, une comédie en trois actes, qui devait être aimable à son époque, le Volage ou le Mariage dil- licile. Une clause du testament de son oncle oblige Valmont à se marier à trente ans; s'il n'a point pris femme à ce moment, il est déshérité. Il a un honnête revenu, qui lui suffit, et il préfère sa liberté à la for- time. Mais, presque à la veille de sa trentième année, il se trouve soudain ruiné. Il faut donc ou se marier, ou mourir de faim. L'idée assez piquante (en se repor- tant à 1807, ne l'oublions pas) est dans les obstacles imprévus qu'il rencontre à épouser qui que ce soit, même, en désespoir de cause, une vieille cousine ridi- cule. Il ne conçoit pas la mauvaise chance qui s'acharne sur lui : la clef de l'énigme est qu'une jolie femme, qui l'aime depuis longtemps, a mis ces obstacles sur sa route ; elle se présente, bien entendu, au moment opportun. Du mélodrame, Caigniez avait gardé l'ha- bitude des tirades et de la multiplicité des événements: