LE MÉLODRAME 159
quelles sourdes manœuvres se livrait Judacin, ruinant ci doshcnorant une famille, ayant toutes les convoitises et toutes les lubricités, réduisant au suicide une jeune fille, séduite par lui, enfin démasqué au dernier acte par un intrépide et clairvoyant vengeur !
Le dernier ouvrage que devait donner Victor Du- cange. Il y a seiz ans ! (Gaîté, 20 juin 1831 ; acteurs : Julien, Marty, Duménis Sallerin ; Mmes Verneuil, E. Sauvage, Leménil), n'était plus qualifié par lui de mélodrame. Ingrat envers le genre qui l'avait rendu populaire, il l'avait simplement appelé « drame », la première étiquette se démodant. Mais, jamais, il n'avait plus accumulé de péripéties mélodramatiques, et de plus fougueuses invraisemblances. Le vagabond de seize ans, Fritz, accusé de vol et d'incendie, l'orphelin jeté dans toutes les infortunes, se trouvait soudain avoir presque trop de parents. La baronne de Saint- Val voulait le reconnaître pour son fils et le baron, grâce à un certain anneau — l'anneau de ma mère ! — s'en découvrait le père. Tel, dans Euripide, le jeune Ion est-il reconnu grâce à un collier. Mais c'est la seule ressemblance qu'il y ait entre le théâtre d'Euri- pide et celui de Ducange. Cette pièce fit répandre d'abondantes larmes.
C'était son chant du cygne : il mourut le 27 octobre 1833, dans son appartement du 17 de la rue du Fau- bourg-Poissonnière, suivi de près par sa femme. Si ses aînés lui survivaient, il avait été le dernier porte- drapeau fameux du mélodrame ; encore avait-il élargi sa formule et préparé son évolution, pressentant que des temps nouveaux arrivaient.
Cette fin d'époque a été bien déterminée dans un feuilleton de Théophile Gautier, où il rendait compte spirituellement d'une pièce de lui, la Juive de Cons- lanlive, à la Porte-Saint-Martin (184G).
« Nous avouons humblement que, depuis de longues années, notre ambition était de faire un mélodrame... Mais comment