LE MÉLODRAME 15
du dialogue, par l'abondance des épithètes. Trois actes, généralement, du moins dans la première période (et Pixerécourt lorsqu'il donnera quatre actes à la Citerne, croira devoir se justifier, lui, le fondateur de la règle). La structure aura un développement uniforme : le premier acte consacré à l'amour, le second au mal- heur, le troisième au triomphe de la vertu et au châ- timent du crime. Le ballet est ingénieusement amené selon la circonstance, ainsi que le combat, qui est in- dispensable. La musique qui joue un rôle important (les brochures de Pixerécourt nomment toujours le mu- sicien) souligne les situations dramatiques, accom- pagne l'entrée et la sortie des personnages, augmente l'effet des émotions produites, <( ouvre l'âme et la pré- pare au genre de sentiments qu'on va développer de- vant elle ». Le mot de mélodrame a été créé par Jean- Jacques, pour son monologue scénique de Pygmalion, où il entremêla la prose et la musique : il ne se doutait guère de l'emploi que Ton ferait de ce terme I De tou- tes ces formules, l'addition de la musique accompa- gnant les passages pathétiques est celle qui a le plus longtemps survécu : elle était d'ailleurs parfaitement justifiable. Le chef d'orchestre Artus, dont la dispari- tion est récente^ composa ou arrangea la musique de centaines de drames, et il se livrait encore conscien- cieusement à ce travail en 1896.
Ce sont là des données générales sur le mélodrame primitif. Il naquit en un temps » où le peuple tout en- tier venait de jouer dans les rues et sur les places pu- bliques le plus grand drame de l'histoire ». 11 fallait au public des émotions fortes au théâtre, cora-me il en avait fallu aux lecteurs de romans.
Le roman ! il est indispensable de l'évoquer rapide- ment, au moment où le mélodrame va prendre son es- sor; on verra qu'il mettra un peu d'ordre dans un chaos d'imaginations déchaînées, où le chimérique le dispu- tait à l'invraisemblable, où tous les conteurs sem-