AVANT-PROPOS LE DILETTANTISME D’EMILE DESCHAMPS On peut donner au mot dilettante, pour caractériser Emile Deschamps dans ses rapports avec les artistes de son temps, les deux sens que cette aimable épithète autorise. Nous lui laisserons d’abord le sens traditionnel qu’il eut, au xix® siècle, dans les cercles où l’on appréciait la musique. Le dilettante [1], depuis la Restauration jusqu’à la fin du second Empire, c’est l’homme du monde, amateur passionné de musique italienne. On est sévère aujourd’hui pour les dilettanti, et il serait souhaitable de voir paraître une étude spéciale sur Stendhal et la musique, Stendhal, leur maître à tous[2]. Car les reproches qu’on leur fait, le plus grave même, celui qui consiste à prétendre qu’ils auraient compromis, chez nous, le développement de notre ancienne musique française, et entravé pendant plus d’un demi-siècle l’influence bienfaisante de la musique allemande, toutes ces critiques doivent, semble-t-il, remonter jusqu’à lui. C’est lui qui[3], dès 1812, a sinon créé, du moins fortifié le préjugé contre la nouvelle musique symphonique, à laquelle il opposait l’ancienne musique italienne considérée comme « une monarchie où le chant régnait en maître »[4]. Si l’on ne peut pas dire que la pré-
- ↑ 1. Ad. Jullien, Paris dilettante au commencement du siècle. Paris, F. Didot, 1884, passim, et Stendhal, Notes d’un dilettante, dans Mélanges d’art et de littérature, Paris, M. Lévy, 1867.
- ↑ 2. M. R. Rolland, dans la Préface qu’il a écrite pour la dernière édition des Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, texte établi et annoté par Daniel Muller. (Paris, Champion, in-8°), en a tracé une belle esquisse.
- ↑ 3. Cf. Le Temps, 18 févr. 1914, art. de Paul Souday sur : Stendhal : Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, texte établi et annoté par Daniel Muller, préface de Romain Rolland, 1 vol. in-8°. Champion.
- ↑ 4. Cf. Vie de Haydn, par Stendhal. Ed. Champion, lettre II, p. 18.