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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

de la poésie portent jusqu’aux oreilles des vainqueurs pendant la célébration même de leur victoire. C’est lui, lui seul, qui a fait de l’ode triomphale cet usage imprévu. On a eu raison de le comparer à Bossuet à la fois pour la sublimité du style et pour l’autorité morale.

Gardons-nous d’effacer le trait principal de cette grande figure de poète païen. C’est une des plus tristes erreurs de la critique, et il est peut-être difficile d’y échapper aujourd’hui, que d’amoindrir et d’égaliser par la petitesse de l’analyse : le premier soin devrait être, au contraire, de mettre en pleine lumière ce qui est supérieur et original. Il y a d’ailleurs beaucoup à analyser chez Pindare ; et M. Croiset, qui n’a pas méconnu chez lui la prédominance de l’esprit religieux, mais, à notre sens, l’a parfois trop atténuée, donne une suite excellente d’études fines et justes sur tous les aspects moraux de son génie. Sans faire de ses sentiments et de ses idées un inventaire analogue à ceux auxquels se sont bornés d’autres critiques, il sait marquer les nuances de cette physionomie si fière dans sa mâle sérénité, dont notre Ronsard n’a pu nous donner, malgré sa noblesse de nature et sa bonne volonté d’imitateur, qu’une image bien affaiblie.

Dans une étude morale de Pindare, il y a un point d’un intérêt particulier, c’est ce qui concerne son patriotisme. Son amour pour sa ville natale