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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

entre eux et où les emportent parfois leur intrépidité logique et leur imagination. Dans la seconde Pythique est assez longuement développé le mythe d’Ixion, auteur du premier meurtre et amant téméraire de Junon, un des grands criminels punis par les supplices infernaux. À qui cet exemple s’applique-t-il ? À Hiéron, répond Bœckh ; à Hiéron qui a perfidement exposé un frère, Polyzélos, aux périls d’un combat contre les Crotoniates, et maintenant, à cause de lui, menace d’une guerre son beau père Théron, tyran d’Agrigente, le tout pour lui prendre sa femme Damaréta. C’est à un homme enivré de sa puissance, comme Ixion l’avait été de la faveur des dieux, prêt à devenir incestueux et fratricide, que s’adressent les avertissements contenus dans cette primitive et barbare légende. Un fratricide et un inceste, même en pensée, voilà de lourdes charges pour la mémoire du tyran de Syracuse : heureusement pour lui et pour l’humanité, ces crimes n’ont aucune existence historique. C’est Bœckh qui seul a découvert la passion d’Hiéron pour sa belle-sœur, et cela uniquement par la vertu de son système d’interprétation. Une conséquence aussi violente ne l’a pas fait reculer. On ne s’étonnera pas qu’il n’ait pas convaincu tout le monde. G. Hermann, qui trouve d’ailleurs qu’une allégorie si peu délicate n’était guère de nature à raffermir auprès d’Hiéron la faveur de Pindare, alors ébran-