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Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/182

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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

seulement lorsqu’elle a déjà été condamnée qu’un seul cri échappé de sa bouche[1] : Ô cher Hémon, comme ton père t’outrage ! et quelques paroles de sa sœur nous apprennent que celui qui vient de prononcer la sentence, ce Créon qu’elle brave avec une audace presque méprisante, est le père de son fiancé. Et, plus tard, même quand ces premiers élans se sont arrêtés, quand elle s’abandonne à sa douleur sur le seuil du tombeau qui va l’ensevelir vivante, elle ne parle que sous forme d’allusion de l’hymen auquel elle semblait prochainement destinée. Réserve singulière, parti pris absolu que ne connaît pas l’art moderne, que l’art antique lui-même devait bientôt oublier par calcul ou par impuissance. Euripide, traitant à son tour le même sujet, développera dans un sens romanesque l’amour des jeunes gens. D’abord il les unira par la complicité : cette part du péril refusée dans Sophocle par la faiblesse d’Ismène, la passion d’Hémon la lui fera accepter. Cette même passion, autant que nous pouvons juger de la marche d’une pièce que nous n’avons plus, sauvera Antigone découverte, et enfin le drame se dénouera par un mariage. À quelle distance ne sommes-nous pas déjà de la

  1. Plusieurs interprètes, se fondant sur l’autorité des manuscrits, attribuent ce vers à Ismène ; mais la nature des expressions et le sens des paroles prononcées immédiatement après par Créon doivent le faire restituer à Antigone.