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Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/210

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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

Ce second fait a été plus d’une fois mis en lumière. Souvent on a remarqué cette contradiction qui, aux âges de trouble et de fatigue morale, ramène volontiers les esprits vers des images idéales d’innocence et de simplicité rustique, ou du moins vers les calmes et fraîches beautés de la nature champêtre. Il faut ajouter qu’alors cette simplicité de la nature ou de la vie naturelle n’est pas conçue simplement. On sait trop ce que l’on sent et ce que l’on veut sentir ; on mêle au sentiment des éléments conventionnels, une recherche d’élégance, souvent de l’affectation, quelquefois une nuance de passion enthousiaste ou rêveuse. Comme tout cela ressemble peu à ce qu’éprouvent aujourd’hui les vrais paysans et à ce que pouvaient éprouver les hommes qui, aux âges primitifs, vivaient d’une vie réelle au milieu de la nature, sous son impression directe et exclusive ! Une partie de ces délicatesses et de ces raffinements ne pouvaient manquer de se trouver chez Théocrite ; son temps et la société pour laquelle il écrivait les lui imposaient nécessairement. Pour les mêmes causes, le succès dans les grandes compositions lui était interdit.

Veut-on saisir sur le fait les mœurs au milieu desquelles il lui faut vivre, il suffit de lire les pièces qu’il adresse aux souverains d’Alexandrie et de Syracuse ; on ne reconnaît que trop, à l’encens