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LA PASTORALE DANS THÉOCRITE

parce qu’ils sont dans une certaine mesure dramatiques. C’est même ce caractère qui a le plus contribué à les constituer comme un genre à part ; c’est surtout ce qui les distingue des peintures de la nature et de la vie rustique auxquelles la poésie grecque s’est complu avant et après lui.

Dès Hésiode, elle aimait à fixer dans de petits tableaux les aspects de la nature champêtre et les impressions douces ou violentes qu’éprouvent ceux qui vivent au milieu d’elle. Lisez dans les Travaux et les Jours la description de l’âpre mois Lénæon, ou plutôt le joli tableau qui succède au petit développement sur les ardeurs de l’été, la saison où le chardon fleurit, où Sirius rend la tête brûlante, épuise la force des genoux, dessèche la peau :

« Puissé-je alors avoir l’ombre d’un rocher, du vin de Biblos, un pain au lait nouvellement trait, du lait de chèvres qui ne nourrissent plus, de la chair d’une génisse qui n’a pas encore été mère et des chevreaux nés les premiers ! Puissé-je boire du vin noir, assis à l’ombre, le cœur bien rassasié de nourriture, le visage tourné vers le souffle vif de Zéphire, en face du courant intarissable d’une source limpide !… »

Que dites-vous de ces recherches de sensualité rustique dans ce joli coin de paysage ? C’est déjà presque l’idylle grecque ; c’est ce mélange de peinture et de sensation qui en formera le fond, et ce