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Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/224

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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

travail et leurs jeux : quel paysage et quels tableaux ! Et cette rencontre des deux principaux personnages qui avait tenté le pinceau du grand peintre Polygnote, l’apparition d’Ulysse, sortant nu et souillé par la mer du fourré où il a cherché un asile, et la belle Nausicaa restant seule dans sa chaste dignité au milieu de la fuite de ses compagnes : quelle hardie et heureuse opposition ! Et leurs admirables entretiens : d’un côté, cette musique caressante qui sort des lèvres d’Ulysse, le charmeur de l’âge épique ; de l’autre, toutes ces nuances délicates, l’amour naissant dans cette élégante et fière nature, la coquetterie ingénue et la pureté, la grâce spirituelle et la suprême noblesse : comment se détacher de tant de charmants détails ? Et dans tout cela, au milieu des séductions naturelles des lieux et des êtres humains, circule comme le souffle des divinités les plus pures du monde sauvage, des nymphes, d’Artémis, dont les gracieuses et nobles images y sont associées par le poète. N’est-ce pas l’idéal même de tout cet ordre de beautés que l’idylle s’étudiera à saisir pour en faire son domaine particulier ? Les voilà dans leur première et naïve expansion ; elles s’échappent fraîches et radieuses d’un des moindres courants où s’épanchent les flots de l’épopée homérique, et leur libre élan dépasse du premier coup les limites qui s’imposeront à une poésie plus artificielle.