Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

Si l’Iliade, le poème guerrier, admet pour le contraste ces tableaux paisibles de la vie des champs, ils s’étalent pour ainsi dire de plein droit dans l’Odyssée, qui est en grande partie une épopée domestique. Aux aventures merveilleuses, à la peinture des monstres qui épouvantaient la facile imagination des Grecs de l’âge épique, s’y mêlaient, sans que leur foi établît aucune différence, les détails réels des mœurs champêtres, principalement des mœurs pastorales. La vérité du tout n’en était que mieux acceptée par eux. Il suffisait au poète de tracer des peintures exactes ou de présenter l’image de l’abondance pour que ces simples intelligences, ravies de retrouver leurs impressions familières et de rencontrer comme la réalisation idéale de leurs rêves habituels de fortune, éprouvassent un plaisir égal à celui que leur procuraient les prodiges et les scènes pathétiques. Polyphême, avec sa stature gigantesque et son œil unique, est d’ailleurs un berger très réel ; quand il s’en va vers la montagne, il dirige en sifflant les beaux troupeaux que nourrissent les gras pâturages de la Sicile. Sa caverne, cette sanglante prison où il renferme Ulysse et ses compagnons, est en même temps une bergerie modèle. L’aménagement du parc construit par le divin porcher Eumée pour ses six cents laies était fait pour plaire aux habitants de ces îles rocheuses comme Ithaque, où la