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LA PASTORALE DANS THÉOCRITE

son camarade, le jeune moissonneur est un savant : il connaît Crésus ; c’est un rêveur : il a des visions où il contemple sa statue d’or et celle de sa maîtresse ; mais comme il reste dans sa condition ! Il représente la poésie pénétrant dans la grossièreté des mœurs de la campagne. Ses amours ne paraissent pas bien relevés. Cette Bombyca, dont le nom sonore semble annoncer la profession, c’est une joueuse de flûte qui va dans les fermes jouer pour les moissonneurs ; maigre et noire, elle n’est belle qu’aux yeux de celui qu’elle a charmé et qui brave les railleries des autres. Tout cela vit, tout cela se voit et se sent, soit dans le dialogue des deux hommes, soit dans leurs chansons, par des traits naturels et par des contrastes d’une remarquable netteté. Sans les chansons, nous aurions un mime rustique ; ce sont elles qui constituent l’idylle bucolique par les correspondances symétriques qu’elles renferment. Elles commencent toutes deux par une invocation à des déesses en rapport avec chacun des deux sujets, Déméter et les muses ; et surtout chacune se compose de sept distiques, sortes de strophes bien courtes, mais suffisantes pour l’haleine des chanteurs. Cette petite pièce est d’une rare perfection. Ce qui en fait peut-être le charme principal, c’est ce qui se saisit le moins par l’analyse, c’est la vive impression de l’été dans la nature méridionale, qui circule partout et donne à la