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LA PASTORALE DANS THÉOCRITE

encore, ô muses, commencez un chant bucolique. » Une légère modification annonce aux derniers couplets que la narration touche à sa fin : « Cessez, ô muses, allons, cessez le chant bucolique. »

Enfin Théocrite tire un admirable parti de ce genre de composition dans le mime des Magiciennes. Les strophes de quatre vers, où est décrite, ou plutôt mise sous les yeux, la scène d’incantation ; celles de cinq, où l’amante de Delphis raconte l’origine et les phases de son amour, se succèdent faciles et variées, sans que l’expression, nette et profonde, ardente et douloureuse, soit un instant refroidie, sans que l’on cesse d’y sentir comme circuler le mal qui dévore la femme délaissée, malgré le retour périodique du vers intercalaire : « Oiseau magique, attire mon amant vers ma demeure. » — « Connais d’où vint mon amour, ô divine Séléné. » Ces invocations, dont la première accompagne les rites magiques, et la seconde le récit, soutiennent de leur note passionnée l’excitation de cette magicienne par amour, jusqu’au moment où, ayant tout accompli, rassasiée du triste plaisir de se retracer à elle-même ses émotions et ses souffrances, elle retombe dans la réalité présente. Est-ce seulement à une espèce de chant bucolique que Théocrite emprunta cet usage du refrain, ou bien l’avait-il trouvé aussi dans d’autres formes de chanson populaire en Sicile, où l’on