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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

dieux. Quelque opinion qu’on ait d’ailleurs sur la manière dont ils vinrent se fondre en partie dans ces vastes ensembles, l’épopée apparaît à sa naissance comme une production naturelle et anonyme de l’âge héroïque chez une race privilégiée. Elle sort des entrailles mêmes de la Grèce, offrant son immense et mobile matière à la féconde industrie de l’art, qui la façonne et la fixe en lui imposant des formes et un rythme déterminés. Sans faire de Théocrite un Homère, il est intéressant de voir comment, dans des proportions plus humbles, il accomplit une œuvre analogue, et comment l’invention poétique procède de même aux deux extrémités de la longue période de création qu’a pu remplir le génie grec. Nous avons essayé de montrer dans la pastorale de Théocrite une imitation savante et libre du bucoliasme des bergers siciliens. Outre certaines formes et certaines idées particulières, les montagnes et les vallées de la Sicile lui fournirent aussi des légendes locales, que des poètes sans nom y avaient conservées et transmises pendant des siècles.

La Grèce possédait ainsi un certain nombre de légendes, en rapport avec les impressions de la campagne et de la nature sauvage, dont, longtemps avant Théocrite, une poésie plus ou moins originale ou savante avait perpétué le souvenir. Laissons de côté les chants d’une origine exotique,