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Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/292

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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

thologie gracieuse et naturelle, qui s’est formée d’elle-même d’après les impressions inhérentes à la conception primitive d’un héros de la vie pastorale dans les montagnes de la Sicile. À ce fond semble être venu s’adapter un conte romanesque. L’amour jaloux de la nymphe, la fille du roi et sa ruse, la punition et le désespoir de Daphnis paraissent des additions postérieures, inventées pour satisfaire des besoins d’imagination d’un ordre différent. Et si l’on songe que Diodore écrivait deux siècles après Théocrite, on est tenté d’assigner une date assez moderne à la seconde moitié du récit. Ce serait une erreur. Non seulement il est très possible que la cécité de Daphnis, ses plaintes désespérées et même sa mort fassent partie des premiers développements de la légende, mais on ne peut guère refuser une origine ancienne au petit roman d’amour qui amène ces malheurs, puisque, d’un côté, un témoignage le fait remonter jusqu’à Stésichore, et que, de l’autre, il était reproduit par un contemporain de Théocrite, l’historien sicilien Timée[1]. Nous avons remarqué qu’un goût de romanesque amoureux avait paru dès le temps de Stésichore, c’est-à-dire vers la fin du viie siècle avant Jésus-Christ. C’est probablement alors que prit naissance pour les lettrés le roman de Daphnis,

  1. Dans Parthénius, Erot., 29.