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L’ALEXANDRINISME

maque sur ces gouttes d’une onde pure et sainte qu’il se vantait d’apporter au sanctuaire : « Loin d’ici, vous tous,… gracieux artisans d’une poésie énervée, qui buvez un filet d’eau à la source sacrée ! Aujourd’hui, c’est la fête d’Archiloque et du mâle Homère ; notre cratère n’admet pas les buveurs d’eau. »

Ces épigrammes sont du ier siècle après Jésus-Christ. Elles prouvent que, trois cents ans après la mort de Callimaque, l’ardeur de la querelle n’était pas éteinte. Peut-être même l’âpreté des invectives s’était-elle accrue ; mais, de son vivant et dès le début, le mouvement de réaction contre ses doctrines eut une grande force, et son autorité fut impuissante à l’arrêter. Parmi ses jeunes contemporains, Euphorion, il est vrai, disait, à son exemple, l’inaccessible, c’est-à-dire l’inimitable Homère, et il écrivait les Chiliades, recueil de poèmes mythologiques analogue aux Causes ; mais Rhianus osait s’inspirer d’Homère, profondément étudié, et composait sur la seconde guerre de Messénie une épopée considérable, à la fois historique et merveilleuse. Il est curieux de voir ainsi reparaître cette grande question de l’épopée au moment où on la croit tranchée par les mœurs et par le temps. L’épopée ne peut se résoudre à périr, ou plutôt l’esprit humain ne se résigne pas à s’avouer sa déchéance, ni à croire que ces belles formes créées par le vigoureux élan de sa

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