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ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

entrailles. Assurément, si cette fantasmagorie produit quelque effet, ce n’est pas au profit des qualités douces et ingénues de Médée. Mais que dire du trait qui termine le récit de sa fuite de la maison paternelle ? Les portes, par la vertu de ses enchantements, se sont ouvertes d’elles-mêmes et, malgré la nuit, elle se dirige sûrement dans les chemins « qu’elle connaît bien pour les avoir souvent parcourus en errant parmi les cadavres à la recherche des racines, comme font les magiciennes. » La lune la voit, et dans le plus étrange discours, elle se réjouit de cette compensation aux humiliations qu’elle a subies elle-même : Médée aime comme elle ; celle dont les enchantements l’ont souvent contrainte à quitter le ciel pour lui procurer les ténèbres nécessaires à ses pratiques (il est vrai qu’elle en profitait pour visiter Endymion dans la caverne de Latmos), la voici réduite à son tour à se rendre pendant la nuit auprès de l’objet de sa passion ! Il faut reconnaître que ces discordances sont soigneusement exclues des jolis passages où est peint l’amour de Médée ; mais il était difficile de revenir plus malheureusement aux données de la légende.

Quant au meurtre d’Apsyrte, c’est un odieux guet-apens où la perfidie ne se relève même pas par le courage. La responsabilité en est, il est vrai, partagée par Jason, le triste héros du poème ; mais