Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
54
ÉTUDES SUR LA POÉSIE GRECQUE

n’as pas invité tes amis. » La phrase grecque pouvait aussi bien signifier : « Tu sacrifiais tes amis, et tu ne m’as pas invité. » On ne dit pas que Hiéron se soit offensé de cette courageuse réponse. Cependant le même auteur rapporte[1] qu’il punit le poète comique pour s’être permis des paroles inconvenantes en présence de sa femme. D’après ces deux souvenirs, il ne semble pas qu’Épicharme, dans cette cour brillante d’un tyran cruel et jaloux de sa dignité, ait dû être fort encouragé à l’abus des grossièretés comiques.

Lors donc qu’on se demande s’il faut le considérer comme un poète poli et raffiné, comme un poète de cour, ou comme un poète populaire, fidèle interprète de cette exubérance de gaieté licencieuse que provoquaient chez la foule les fêtes de Bacchus, on est averti que la question ne peut se poser sous cette forme absolue et que la seconde alternative souffre au moins de fortes atténuations. Sans doute le caractère propre des divertissements comiques, tels qu’ils étaient nés des débauches dionysiaques, ne pouvait disparaître, et la partie distinguée du public aurait été la première à se plaindre, si la marque hardie du dieu avait été effacée. Mais ces mêmes spectateurs, habitués à des jouissances délicates, demandaient aussi quelque chose de plus relevé à

  1. Apophth. reg., p. 175, c.