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NOÉ BRUNEL ET NARCISSE BIGUÉ



Le soir tombait mollement, délicieusement, sur le pimpant village de Champlain.

Dans l’enveloppant calme de cette fin de jour de juin la main exercée du sonneur égrenait dans le ciel bleu serein les notes saintes de l’hymne vespéral, en même temps que de l’autre côté du fleuve, on entendait en sourdine la mélodie lointaine qui s’envolait du clocher de Gentilly. Une brise, si légère qu’elle n’était que le souffle embaumé de la nature fleurie, courbait langoureusement en houles d’or les longs épis, qui devaient bientôt tomber sous l’acier poli et tranchant. Au sein de la parfaite quiétude du Saint-Laurent — un géant au repos — deux pêcheurs, qui devaient aller le lendemain à l’aurore porter le produit de leur journée à Trois-Rivières, rentraient en accompagnant de chansons joyeuses la cadence de leurs rames sur l’eau.