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Page:Girard - Contes de chez nous, 1912.djvu/173

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Des croisées s’ouvrent, des lumières s’allument, des hommes crient, des femmes se lamentent, des enfants pleurent. Et toute cette cacophonie est accentuée par les mugissements du vent.

Quelle main d’outre-tombe, quel revenant agite avec cette violence les cloches qui devraient dormir, à cette heure ?…

Les moins apeurés sortent de leurs maisons, leurs figures anxieuses sinistrement éclairées par la réverbération des fanaux qui se balancent à leurs bras…

À demi-vêtus, ils courent à présent, attirés malgré eux vers la place de l’église par cette sonnerie fantastique et surnaturelle…

Là, on parlemente. Qui d’entre eux franchira le premier le seuil du temple redoutable ?…

Deux, parmi les plus vaillants, pour montrer qu’ils n’ont pas peur, s’offrent d’affronter le danger.

Et le carillonnement continue toujours, désordonné, par soubresauts.

Les deux braves vont forcer la porte de l’église. Elle cède sans effort.

Qui donc les a précédés ?…

Peu à peu, le diabolique carillon perd de sa fureur. On dirait une oscillation lente et triste comme un pendule dont chaque va-et-vient avance les derniers instants d’un condamné…

Puis quelques tintements de plus en plus espacés, puis… plus rien… silence terrible qui tombe sur les villageois groupés sur la place, comme une masse de plomb…