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croisés sur la poitrine, et un sourire de dédain aux lèvres, se tient Aontarisati, le sagamo des Agniehronnons.

Un désir terrible traverse le cerveau d’Andioura, qui porte la main à son couteau.

Un souvenir doux et calme, frais comme l’eau d’un ruisseau dans les chaleurs torrides de l’été, celui de Biche-Blanche, se présente à son esprit.

Son bras retombe inerte.

Aontarisati n’a pas été sans surprendre le mouvement agressif d’Andioura, mais il n’a pas bougé.

— Andioura, dit-il enfin d’une voix basse et grave, Aontarisati savait que les ours ne s’entre-dévorent pas, que les loups ne font pas la guerre aux loups. Pourquoi le frère laisserait-il torturer son frère ?

— Je savais que le fils des visages-pâles ne laisserait pas mourir les siens, puisque, hier, son cœur s’est attendri quand j’ai commandé de livrer les captifs à la torture.

Robe-noire, dis à ton frère que celui qu’il croit un enfant des bois, que celui qui l’a fait prisonnier, est un visage-pâle comme lui-même.

Le comte de Champflour, en entendant ces paroles, s’appuie contre un arbre, ployant sous le poids d’un fou pressentiment qui s’est emparé de lui.

— Et que ce visage-pâle, qui voulait délivrer les prisonniers, a vécu quinze hivers avec les Agniehronnons.

— Ensuite ! Ensuite ! s’écrie le comte haletant.

— Qu’une nuit d’été, il fut enlevé dans une chambre du fort des Trois-Rivières, après qu’une sentinelle eût été tuée.