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FLORENCE

— Bonjour, Albert, tu m’as l’air bien joyeux. Je parie que ta grande Bertha ne s’est pas montrée insensible à tes déclarations enflammées de Roméo.

— Allons donc, vieux disciple d’Hippocrate ! Penses-tu qu’à ton illustre exemple je ne me sers de mon bistouri et de mon scalpel que pour déboucher les bouteilles ?

— Bien dit, s’écrie la bande avec force applaudissements ; ce petit Albert n’est pas si nigaud qu’il le paraît.

— Merci du compliment, messieurs.

— Mais qu’a donc Hubert ? dit Auguste, jeune étudiant en médecine qui, en dépit de ses écarts, promettait d’arracher beaucoup de victimes des embrassements par trop affectueux de la mort. Mais qu’a-t-il donc ? Ah ! voilà, j’y suis : son oncle en a encore pour dix ans à vivre, et… au revoir l’héritage !

Hubert Rolette, après de brillantes études chez les Sulpiciens, était entré comme journaliste à La Minerve. Là, il donnait libre carrière à ses talents d’écrivain, d’orateur et de patriote.

Hubert était un favori de la nature.

Très grand, maigre, presque un enfant par l’âge, vingt ans à peine, il ne passait nulle part inaperçu. Sa physionomie, dont une certaine teinte de mélancolie inspirait la sympathie, aurait, s’il eût été roi, relevé l’éclat du trône.

Un nez droit et énergique, des lèvres fines et expressives, toujours prêtes à laisser découler des flots d’éloquence, des yeux tantôt d’un brun velouté dans les caresses de l’amour, tantôt d’un noir de jais, d’où jaillissaient des éclairs, dans les moments d’humeur,