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FLORENCE

Celui-ci ne lui en donna pas le temps.

— Vot’fille est morte, dit-il, en le dévisageant.

L’épiderme facial du notaire prend la couleur du papier sur lequel on va coucher un acte de décès. Il oscille comme le roure sous le dernier coup de la cognée et se porte les mains à la gorge comme si un condor y avait implanté ses serres crochues.

Il saisit Baptiste par les épaules et fouille dans ses yeux sans mot dire.

Le sonneur de Bonsecours que ce manège commence à endiabler, dit en soulageant ses clavicules de leur joug :

— Dites-donc, vous, m’prenez-vous pour un fou furieux ?

— Si tu n’es pas fou, répondit le notaire en grinçant des dents, tu es un corbeau.

— Si j’sus t’un oiseau de malheur, vous, vous êtes un meurtrier, le meurtrier de vot’fille.

« Et v’l’à ! » ajouta le bedeau, en s’en retournant.

Rendu sur le trottoir, il fait volte-face et crie au notaire :

— Faites excuse, si j’vous ai offusqué. Car moé, voyez-vous, j’connais pas les ménagements comme vous, surtout avec les Anglais. J’ai un p’tit conseil à vous donner, si vous voulez voir vot’fille. Rendez-vous à Saint-Denis avant qu’on la mett’en terre.

Le tabellion, se croyant la proie d’un cauchemar, se frotte les yeux.

Tout à coup, il voit se dessiner devant lui la vérité dans son horrible brutalité. Endossant sa pelisse et prenant son castor, il s’élance dans la rue comme un maniaque.