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FLORENCE

lys sur lesquels se sont écartées deux gouttes de rosée de l’aurore.

Le jeune homme semble scruter ce regard, et dit avec un ton de reproche :

— Mais, ma chère Florence, comment se fait-il que…

— Sans doute, mon cher Hubert, qu’il n’appartient ni à mon sexe ni à ma condition de venir ici seule, à une telle heure. La bonté de ton cœur pardonnera aux motifs qui m’ont fait agir. Hier, après ton départ, M. Turcobal est venu me faire une scène d’amour désopilante. Il m’a avoué qu’il m’aimait plus que toute autre, qu’il poursuivrait de sa haine tout rival et qu’enfin il allait se battre en duel avec toi.

— Le drôle ! Que n’a t-il encore ses deux bras !

— Alors, je lui demandai avec indifférence le lieu, l’heure, les armes du combat. Il me dévoila tout. Si je suis venue, mon cher Hubert, c’est que je voulais éviter un malheur. Car, dit-elle timide et en appuyant sa tête sur son épaule, je t’aime !

— Puisque tu es si franche, fait Hubert avec son fin sourire, je t’avouerai une chose. Sans toi, ce beau merle auquel je viens de briser une aile, serait maintenant dans un royaume ou l’autre. Mais lorsque, par tes irrésistibles supplications, tu lui as parlé du chagrin de sa mère s’il venait à être tué, j’ai pensé à la mienne si ce malheur devait être mon partage. Ce souvenir seul lui a sauvé la vie. Car c’est ma volonté, et non le hasard qui a conduit ma balle. Je me suis contenté de venger l’honneur.

On était arrivé à la voiture de Florence. Hubert presse la jeune fille contre son cœur. Il effleure ses cheveux de ses lèvres tremblantes.