Page:Girard - Florence, 1900.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
54
FLORENCE

sur une immortelle, puis, ouvrant du nouveau ses ailes, va caresser d’autres fleurs après avoir terni les pétales de celles qu’il vient de quitter ?

Ô femme, tu es la rose qui, après que la foule t’a embrassée de ses lèvres profanes, va toute fanée et sans plus aucun parfum, parer d’une façon dérisoire le refuge de quelque malheureux stoïque !

Serait-il vrai, pensait Hubert, encore la proie du doute, serait-il vrai que l’amour sincère et constant, banni du reste des femmes, se serait réfugié dans le cœur de Florence, et que cet amour vivrait par moi et pour moi ? Et cependant, qui suis-je, moi, après tout ? Bah ! les femmes ont parfois de ces goûts qui nous étonnent et nous laissent songeurs. Le seul trésor, et dont on semble faire fi, que je puisse déposer aux pieds de ma bien-aimée, c’est la pureté et la sincérité de mon amour. Mon amour pour Florence durera aussi longtemps que le Dieu qui l’a fait naître et grandir.

S’il a eu un commencement, il n’aura pas de fin. Quand un homme a aimé une fois, il ne saurait retrouver d’autres feux. Jamais je ne ferai l’insulte d’offrir à une femme un cœur usé ; le voudrais-je, j’en serais incapable. Jamais femme n’ira décrocher mon amour à l’étalage d’un mont-de-piété.

D’autre part, il détestait l’oppresseur, de toute la haine de l’opprimé envers les ennemis de sa chère patrie, de son Canada infortuné. Il désirait la revanche avec autant d’ardeur que la mère à qui on aurait enlevé un des fruits de son amour et de son sang. Il se prenait souvent à penser : « Il vaut mieux m’avoir pour ami que pour ennemi. » Car comment ce jeune homme à l’âme magnanime, qui n’aurait pu voir un