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À LA CONQUÊTE D’UN BAISER

rodrigue

Vous y tenez donc ?

gabrielle

Certes !

rodrigue

Voici. Il y a quelques jours, des amis parièrent qu’ils obtiendraient un baiser d’une belle jeune fille, qui, jamais de sa vie, n’a voulu accorder un baiser. Parmi eux, se trouvait un jeune homme trop pauvre pour parier le montant exigé par ses amis. Il mit donc sa bague en gage, toute sa richesse. Mais comme il ne put obtenir le baiser exigé, il me demanda de lui composer un sujet qui pût dépeindre sa folie et son regret. Alors, je traçai l’esquisse que vous voyez : Un diable gigantesque, à la gueule écumante et exténuée de fatigue. Entre ses crocs formidables comme des défenses de sanglier, il tient une bague, la pauvre bague défunte, décédée à jamais. Car voyez-vous, mademoiselle, la femme est si capricieuse, si fantasque, qu’il est plus scabreux de parier sur ces anges, aux ailes terminées en griffes, que de parier sur le favori, aux courses de Longchamps.

Le jeune homme lève vers le Ciel des yeux suppliants, le priant au moins de lui rendre son bijou, puisqu’il ne peut boire le nectar aux lèvres d’ambroisie de cette jeune fille.