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MOSAÏQUE

de la souffrance, faisait peine à voir. J’esquissai, à grands traits, une de ces histoires de tous les jours, qui rongent le cœur d’une mère et clouent le remords dans le cœur d’une jeune fille.

La petite revenait de l’atelier. Il se faisait tard. Comme elle était honnête, elle pressait le pas. Cependant, au détour de la rue, un jeune désœuvré s’est rencontré face à face avec elle.

Frappé et subjugué par sa jolie figure et les mèches folles de ses cheveux d’ébène échevelés au caprice du vent, il l’a suivie quelque temps. Puis, il a hasardé une parole.

Interdite, elle a d’abord gardé le silence. Il a insisté.

Fascinée par le mâle à ses côtés, naïve et timide comme on l’est à vingt ans, elle a répondu par monosyllabes, plus précipités selon qu’elle approchait de la maison.

Il a donné un rendez-vous.

Comme la fleurette pure et délicate, brutalement fauchée par la roche qui dévale du haut de la montagne, ses pétales ont été arrachées une par une, jusqu’à ce qu’elle soit tombée au fond du gouffre béant.

Et maintenant que la bestialité des sens est assouvie, il est parti, lui, laissant la pauvre enfant seule avec sa malheureuse destinée.

La semence, cependant, a germé ; elle a porté son fruit.