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PAUVRE FOLLE




E lle paraît ridicule, et l’est réellement pour plus d’un. Jamais, elle ne s’arrête dans la rue, allant d’un pas très pressé, ne tournant la tête ni à droite ni à gauche. Le visage est constamment couvert d’une voilette jaunie par les ans. Le corsage n’a plus d’âge et la jupe écourtée, étriquée, à gros bouffants, est d’une nuance qui ne saurait trouver place sur la palette d’un peintre. Cette partie du vêtement doit remonter, pour le moins, à vingt ans en arrière.

« C’est une folle, » dit-on, lorsqu’on la voit passer dans nos grandes rues. Depuis la mort de son mari, elle n’a pas changé son costume, qu’elle a fait vœu de garder jusqu’à la mort.

« C’est une folle, » dit-on, et cependant, n’a-t-on jamais songé à ce qu’il y a de sublime chez cette femme, que la mort de l’être aimé a tellement affligée, qu’elle va, bravant la raillerie publique et le respect humain, plongée dans son incommensurable douleur.